Par le Pr Henri Got, Docteur ès Sciences, spécialité Géologie Marine. Docteur de spécialité en Hydrogéologie. Professeur Honoraire des Universités. Ancien Président de l’Université de Perpignan.

Henri Got

La France a subi durant l’année 2022 une sécheresse exceptionnelle accompagnée de températures parfois caniculaires qui a touché jusqu’à des régions qui jusqu’alors n’étaient pas concernées par ces évènements.

Le midi méditerranéen a été particulièrement concernée, mais l’on sait que cette région sera particulièrement sensible au changement climatique, les températures pouvant excéder la température moyenne de la France de 2,2 degrés.

Plus particulièrement, ces phénomènes ont été exacerbés dans le département des Pyrénées Orientales où le manque d’eau dure depuis le mois de juin 2022. En effet, les cumuls de précipitations ont été très largement insuffisantes durant toute l’année et malgré l’arrivée des températures hivernales depuis plusieurs semaines à la fin de 2022 et le début de 2023, la pluviométrie de ces derniers mois est très déficitaire dans les Pyrénées-Orientales avec un déficit total de 70 % pour les mois d’octobre, novembre et décembre : pour 200 mm qui étaient attendus dans la plaine du Roussillon, seuls 50 mm sont tombés.

Cette situation a entrainé la prise de 10 arrêtés préfectoraux de restriction d’usage de l’eau  depuis le mois de juin jusqu’au mois de décembre 2022 et il ne pleut toujours pas début février.

Ces restrictions ont affecté tous les utilisateurs de l’eau et particulièrement l’agriculture qui s’est pliée à ce difficile exercice.

Une goutte a fait déborder le vase : Le tribunal administratif de Montpellier a ordonné le rehaussement du débit à laisser dans le fleuve à 1500 litres par seconde toute l’année entre Vinça et Millas pour permettre à la vie aquatique de se développer, contre 600 litres par seconde sur certaines périodes auparavant. Conséquence : les six canaux d’irrigation qui s’alimentent dans le secteur devaient prélever moins d’eau.  D’où l’ire des 1500 agriculteurs qui utilisent ces canaux et craignaient dès lors pour la survie de leurs exploitations.

Les agriculteurs et leurs soutiens ont manifesté le mardi 24 janvier à Perpignan contre cette décision du tribunal administratif.

On voit ainsi que l’on a atteint les limites de ce qui peut être fait par des économies soit imposées, soit volontaires.

Or, si la situation a pu être considérée comme exceptionnelle, par rapport aux années passées, mais elle risque de se reproduire dans l’avenir chaque 3 à 4 ans, sous l’action du changement climatique.

Il convient donc de trouver des ressources alternatives complémentaires. Parmi celles-ci plusieurs voies sont à explorer.

Au niveau national :

Cette situation a conduit le Ministère de la Transition  Ecologique à plancher dès 2022 sur un plan anti-sécheresse.

Vers un « Ecowatt » de l’eau : Diminuer d’un peu plus de 10 % le volume d’eau prélevée dans nos sous-sols d’ici la fin du quinquennat. Soit une baisse de 4 milliards de mètres cube sur un total de 33 captés chaque année.

Mettre fin au gaspillage notamment par la réfection des réseaux de distribution de l’eau pour les amener à un rendement de plus de 80%.

La réutilisation des eaux usées : La  France accuse un retard important pour  cette pratique de réutiliser les eaux en sortie de station d’épuration (moins de 1%), en comparaison de nos voisins espagnols (14%) ou italiens (10%).   Dans notre département, il s’agirait de stations d’épuration littorales, qui en général se déversent en mer et qui représentent en moyenne 10 000 m3/jour notamment en été (afflux de touristes).

D’autre voies existent à l’échelon local :

Réalimenter les nappes phréatiques souterraines durant les mois d’hiver : Des essais ont été réalisés avec succès par le Syndicat des nappes du Roussillon ; cet été, la sécheresse a été telle qu’une nappe (Le Boulès à Bouleternère) a dû être réalimentée par camion-citerne.

Mettre en place des retenues d’eau de petite taille (quelques milliers de m3), notamment dans la vallée du Tech, qui à l’inverse des deux autres vallées (Tech et Agly) ne dispose pas de barrage. Une vingtaine de sites potentiels ont été répertoriés par la Chambre d’agriculture de Perpignan.

Utiliser l’eau du karst des Corbières : Des études ont été  réalisées par le BRGM à cette fin entre 2006 et 2011, sans aboutir à une réalisation d’ensemble concrète, hormis pour de petites communes (Opoul, Vingrau).

En solution ultime, le dessalement de l’eau de mer très développé en Espagne ; ce pays est le quatrième utilisateur des technologies de dessalement au monde, derrière l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et les Etats-Unis. Ce sont désormais plus de 700 usines qui existent pour une production d’environ 2 millions de mètres cubes d’eau par jour. Mais cette technique est onéreuse compte tenu du prix de l’énergie dont elle est forte consommatrice.

Il s’agit en fait de mettre en place un mix hydraulique sur le modèle du mix énergétique, avec le concours en quantité raisonnable, d’eaux de plusieurs origines, qui joint aux nécessaires économies, permettrait d’affronter les défis à venir.

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