L’édito de février 2024 est écrit par Philippe PERNET-SCHOELCHER, Président de l’ONG COEDADE
Le secteur en pleine mutation des transports maritimes et fluviaux témoigne d’une prise de conscience croissante des entreprises quant à l’impact environnemental de leurs activités. Pour répondre à ce défi, des innovations visant à réduire l’empreinte carbone et à protéger les écosystèmes sont indispensables.
L’un des plus grands défis du secteur est la décarbonisation. Les carburants très polluants utilisés par les navires, contribuent grandement au changement climatique. Les ports sont également touchés par cette pollution. Pour répondre à ce défi, le secteur doit innover pour s’adapter. Plusieurs innovations voient le jour, notamment le recours aux carburants moins émetteurs de gaz à effet de serre.
Par exemple, la propulsion vélique, à savoir les bateaux à voile, permet d’éliminer les émissions des carburants. Néanmoins, il n’est pas encore possible de recourir à cette solution sur un cargo à voile en raison de son poids trop important.
La deuxième alternative de carburant déjà développée est l’électricité. Cette solution s’applique bien au transport de personnes sur une courte distance, par des ferrys. En Norvège, des ferrys électriques sont déjà en fonction et en France, la start-up Neptech a aussi conçu des solutions pour les utiliser lors de courts trajets en bateaux bus.
Beaucoup d’espoirs reposent aussi sur le Gaz naturel liquéfié (GNL), solution de carburant qui se développe de plus en plus. L’une des plus grandes entreprises de transport maritime, CMA CGM, fait partie des premières à prévoir d’alimenter une partie de sa flotte au GNL et certains navires autonomes le font déjà. Petit bémol, le GNL est une énergie fossile !
Cependant, pour remplacer le GNL, il est tout à fait possible d’utiliser le BIO GNV seul… ou avec des solutions hybrides. Le BIO GNV est un carburant renouvelable qui peut être produit à partir de déchets organiques tels que les déchets alimentaires, les boues d’épuration et les déchets agricoles. Il est donc plus respectueux de l’environnement que les carburants fossiles.
Mais la mise en œuvre de ces solutions alternatives de carburants “propres” n’est pas sans défis.
Tout d’abord, la production de BIO GNV nécessite des investissements importants dans les infrastructures de production, de stockage et de distribution. En outre, la production de BIO GNV est actuellement limitée et ne peut pas répondre à la demande croissante du secteur des transports maritimes et fluviaux. De plus, les coûts de production de BIO GNV sont encore élevés, ce qui rend son utilisation moins compétitive que celle des carburants fossiles. Enfin, la mise en place de réglementations et de normes pour encourager l’utilisation de BIO GNV dans le secteur des transports maritimes et fluviaux est encore en cours de développement.
Une autre solution potentielle en cours est l’hydrogène. Cette technologie, assez décarbonisée, bien que capable d’alimenter un cargo, nécessite encore des ajustements pour être véritablement utilisable sur le transport maritime.
Outre la décarbonisation, le secteur doit faire face à d’autres défis environnementaux. Les eaux de ballast contaminées par des espèces invasives, des polluants et des déchets, rejetées dans les ports peuvent altérer la biodiversité et la qualité de l’eau. Les objets flottants non-identifiés constituent également une source de pollution importante. Pour répondre à ces défis, le secteur doit là aussi, innover pour s’adapter.
Par exemple, la start-up française SeaCleaners a développé un navire capable de collecter les déchets plastiques dans les océans. Le navire, appelé Manta, est équipé de filets géants qui permettent de collecter les déchets plastiques flottants. Une fois les déchets collectés, ils sont triés et recyclés.
Autre point, les navires et bateaux engendrent une consommation substantielle d’eau, notamment pour la propulsion, la climatisation et la production d’eau potable, avec des conséquences environnementales préoccupantes. La pression hydrique augmente dans les régions à ressources limitées, en particulier avec la demande accrue d’eau des bateaux de croisière. Pour atténuer ces impacts, des mesures telles que l’amélioration de l’efficacité énergétique des navires, la réduction de l’utilisation d’eau douce par le recours à des sources alternatives comme l’eau de mer ou de pluie, et le traitement des eaux usées sont nécessaires.
La gestion des déchets est un autre défi majeur pour le secteur des transports maritimes et fluviaux, avec une production substantielle de déchets alimentaires, d’exploitation, et de déchets dangereux. Ils engendrent une pollution des eaux, des sols, et de l’air, contribuant ainsi à des problèmes environnementaux. Pour atténuer cet impact, des mesures telles que la réduction de la production de déchets, le tri et le recyclage, ainsi que le traitement adéquat des déchets non recyclables, sont nécessaires. D’autres initiatives concrètes telles que des programmes de sensibilisation pour les équipages et les passagers, le développement de technologies avancées de traitement comme la pyrolyse ou la méthanisation, peuvent également contribuer significativement à la réduction de l’impact environnemental de ce secteur.
Les transports maritimes et fluviaux, essentiels à l’économie mondiale, se trouvent à un tournant critique où l’impact environnemental exige des changements significatifs. Les impératifs de cette transition vers un avenir durable incluent des investissements conséquents, des réglementations rigoureuses, et une sensibilisation et actions accrus des acteurs du secteur. La collaboration entre ONG, gouvernements, et entreprises s’avère indispensable pour relever ces défis environnementaux. L’engagement collectif ouvre la voie à une transformation positive, où les transports maritimes et fluviaux pourraient devenir un modèle de durabilité grâce à des initiatives coordonnées et innovantes. À cet égard, l’initiative du COEDADE, avec son projet « Péniche Ourson », représente un exemple concret de l’innovation nécessaire pour une navigation plus respectueuse de l’environnement, soulignant ainsi le potentiel de solutions novatrices locales dans la construction d’un avenir plus durable pour le secteur.
Bravo pour cet édito de février !