L’édito d’octobre est écrit par Michel Rousson, Secrétaire Général de l’ONG COEDADE.
Michel a débuté sa carrière à l’école de métiers de Gaz de France à Nantes Montluc. En 1976, il a rejoint EDF et travaillé à la centrale nucléaire du Bugey.
En 2000, il s’est orienté vers le syndicalisme, travaillant pour une fédération syndicale des industries électriques et gazières. Il prend se retraite en 2013, mais continue d’agir en tant que défenseur syndical en Auvergne Rhône-Alpes.
Michel Rousson est également engagé dans des actions écologiques et solidaires. Il a acquis une péniche de 39 mètres : « Ourson, » transformée en un lieu de réflexion sur l’énergie et le développement durable.
Face à l’urgence écologique, il est impératif de transcender les idées préconçues et les positions dogmatiques qui opposent les différentes sources d’énergie. Les débats entre la voiture électrique et le nucléaire, souvent perçus comme des alternatives incompatibles aux véhicules à combustion interne et aux énergies fossiles, méritent une analyse plus nuancée quant à leur impact environnemental.
La voiture électrique est régulièrement vantée pour son caractère écologique, en raison de l’absence d’émissions de gaz à effet de serre pendant son utilisation. Cependant, il est essentiel de prendre en considération la manière dont l’électricité est produite, ainsi que l’ensemble du cycle de vie du véhicule, de sa fabrication à son recyclage. Selon diverses études, la voiture électrique émet globalement trois à quatre fois moins de CO2 que son équivalent à combustion, même en utilisant une électricité produite principalement par des centrales au charbon ou au gaz. Bien que la fabrication d’une voiture électrique génère davantage d’émissions de CO2 que celle d’une voiture thermique, ce déséquilibre est largement compensé pendant l’utilisation du véhicule, qui n’émet pas de CO2 par le biais de son échappement. Il faut parcourir environ 30 000 à 40 000 km (soit environ 2 à 3 ans d’utilisation moyenne) pour que le bilan carbone d’une voiture électrique devienne plus favorable que celui d’une voiture à essence.
Par ailleurs, la voiture électrique présente également un avantage environnemental sur plusieurs autres critères, notamment la consommation d’énergie primaire, les effets sur le changement climatique, l’impact sur l’épuisement des ressources, l’acidification, l’eutrophisation de l’eau et la pollution à l’ozone. En moyenne, elle consomme 60 % moins d’énergie primaire que les véhicules thermiques, émet 70 % moins de CO2, utilise 50 % moins de ressources non renouvelables et génère 40 % moins d’acidification et d’eutrophisation, deux processus nuisibles à la biodiversité et à la qualité de l’eau.
Toutefois, il convient de reconnaître que la voiture électrique n’est pas une solution universelle. Elle comporte des inconvénients, notamment la dépendance aux métaux rares pour la fabrication des batteries, le risque de surcharge des réseaux électriques et son coût initial élevé. Par conséquent, il est recommandé de privilégier les modes de transport alternatifs, tels que les transports en commun, le vélo ou la marche à pied, lorsque cela est possible.
D’un autre côté, l’énergie nucléaire est souvent mise en avant en tant que source d’énergie propre, ne produisant pas de CO2, le principal gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique. Le nucléaire pourrait jouer un rôle crucial dans la réduction des émissions de CO2 tout en assurant une alimentation énergétique fiable et abordable. Il offre une capacité de production élevée, avec plus de 1000 mégawatts par réacteur, comparé à seulement 1 mégawatt pour une éolienne terrestre ou 2 à 3 mégawatts en mer, permettant ainsi de répondre à la demande croissante d’électricité. La France est un exemple de pays fortement nucléarisé, produisant environ 77 % de son électricité grâce à cette source, ce qui la place en tête des pays à faibles émissions de CO2.
De plus, le nucléaire offre à la France une indépendance énergétique, car elle ne dépend pas des importations de combustibles fossiles, tels que le pétrole ou le gaz, qui sont sujets à des fluctuations de prix et à des tensions géopolitiques. Le volume de combustible nucléaire est également minime, permettant de stocker plusieurs années de production dans un hangar, contrairement au charbon ou au pétrole, dont le stockage est problématique en raison de leur volume important.
Néanmoins, le nucléaire comporte des défis majeurs, notamment la gestion des déchets radioactifs, le risque d’accidents, de prolifération nucléaire, ainsi que les coûts élevés de construction et de démantèlement des centrales. La gestion des déchets radioactifs est particulièrement complexe et dépend du niveau d’activité, de la durée de vie et du volume des déchets. En France, environ 1,7 million de mètres cubes de déchets radioactifs étaient estimés à la fin de l’année 2020, la plupart étant stockés en surface ou en sub-surface, avec une minorité destinée au stockage en profondeur. Au fil des décennies d’exploitation de l’énergie nucléaire en France nous avons un cube d’environ 100 mètres de côté sur 10 mètres de haut à stocker en profondeur, dès lors que ce stockage souterrain sera opérationnel.
En conclusion, il n’existe pas de solution énergétique parfaite, mais plutôt une nécessité de trouver un compromis entre les avantages et les inconvénients de chaque source d’énergie. La voiture électrique et le nucléaire présentent tous deux des avantages significatifs dans la lutte contre le dérèglement climatique, mais nécessitent également de relever des défis techniques, économiques et sociaux. Il est donc essentiel de ne pas les écarter d’emblée, mais de les considérer avec pragmatisme et responsabilité, tout en explorant d’autres solutions pour relever le défi climatique qui nous attend.
Un bel édito de Michel, tout à fait d’accord et je dirais même plus tout à fait en phase avec lui. Merci Michel