Patrice Costa

L’édito d’avril 2023 se veut chargé d’un optimisme… prudent. Il est signé Patrice COSTA, Naturaliste, président de l’Institut européen d’écologie, et membre d’honneur du COEDADE.

Le 4 mars dernier aux Nations-Unies, les pays membres de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine ont signé un traité légalement contraignant qui doit permettre de protéger de toute forme d’atteinte anthropique 30% de cette immensité qu’est la haute mer.

Quelques jours avant cette session, l’actrice engagée Jane Fonda avait déposé au siège de l’ONU à New-York quelque 5,5 millions de signatures recueillies à la suite d’une campagne pétitionnaire menée dans près de 160 pays. Comme la plupart des ONG environnementalistes penchées depuis des lustres au chevet d’un Grand bleu de plus en plus exsangue, la star au militantisme légendaire s’était félicitée de cet épilogue. A juste titre, puisqu’il s’agit d’un accord « historique »…

On sait toutefois qu’il faudra entériner le document par le fameux jeu des ratifications dévolu à chaque pays signataire, mais Jane Fonda, Greenpeace et tous les mouvements qui luttent pour sauver les océans sont confiants…

Ce ne sera pourtant pas une mince affaire : le traité en lui-même n’est que l’aboutissement de deux décennies de négociations ! Il aura donc fallu près de vingt ans de pourparlers pour aboutir à une étape dite « historique » à l’heure où la nature et ses hôtes, qu’ils soient marins ou terrestres, glissent dangereusement sur la pente d’une 6° extinction, celle que lui dicte l’anthropocène.

En matière de protection de la planète, les paraphes « historiques» se succèdent. Il y a eu celui de Paris sur le climat en 2015, celui de Nagoya en 2010 puis celui de Montréal en décembre 2022 sur la biodiversité. Mais le franc et joli coup de marteau de la ou du président de séance, le tonnerre d’applaudissements qui l’accompagne ou les larmes d’empathie qui saluent l’événement se sont jusque là traduit par un résultat négligeable quand sonnent les trois coups de l’échéancier à respecter.

A quoi servent alors ces grands-messes onusiennes ?

La prochaine ordonnance annuelle contre la fièvre climatique sera délivrée en décembre à Dubaï, haut-lieu bling-bling de la surconsommation des énergies fossiles et le futur remède à prescrire contre l’effondrement du Vivant est prévu à Istanbul en 2024, un pays qui ne brille guère dans la prise en considération de ses habitats naturels. Mais deux ans avant la Turquie, c’est donc à Montréal que les bases du tout récent Traité sur la haute mer ont été actées par les 190 pays présents, la conférence des Nations-Unies au Canada ayant validé l’objectif 30×30, autrement dit la préservation de 30% des terres et des mers. Toute la question est désormais de concrétiser cette ambition d’ici à 2030.

Dans ces fameux 30% qui devraient bénéficier du statut multilatéral d’aires marines protégées, la volonté affichée va jusqu’à identifier, réduire ou éliminer toutes les sources de pollution !

Dans le seul cas de l’océan Pacifique, le challenge se chiffre à près de 2 milliards de déchets plastiques à récupérer, comme si l’homme et ses excès pouvaient effacer un septième continent flottant en moins de sept ans…

Mais soyons optimiste car ce traité existe. Il a surtout pour mérite, au-delà de leur zone économique exclusive maritime, d’offrir enfin un meilleur outil de gestion de leurs ressources halieutiques aux petits Etats insulaires et aux populations côtières des pays du sud qui dépendent étroitement de la bonne santé des écosystèmes marins pour survivre. Voilà peut-être le principal intérêt, la petite lueur d’espoir que représente cet accord océanique.

Par le biais de ses futurs sanctuaires marins, le texte donne enfin un statut juridique à une zone de non droit, à ces eaux internationales où règne la surpêche et où se rue et s’exerce la recherche des ressources minières ou énergétiques encore à l’abri de la convoitise industrielle ou géopolitique. Le deal est à la dimension de l’enjeu : 11 millions de kilomètres carrés d’océan doivent être protégés chaque année d’ici à 2030, c’est à dire demain.

Une illusion ?  Il faut y croire, comme Jane Fonda…

Patrice COSTA, Naturaliste, président de l’Institut européen d’écologie

Patrice COSTA sera le Grand Témoin aux « Entretiens de la Biodiversité » qui se tiendront du 2 au 4 juin 2023 au parc animalier de Sainte Croix.